Ferrari, du Pit-Stop au bloc opératoire
Pneus, assistance électronique ou encore suspensions, voilà quelques innovations que la Formule 1 a apporté dans notre voiture de tous les jours. Mais elle est également intervenue dans le milieu hospitalier.
Difficile de voir le point commun entre chirurgie pédiatrique et Formule 1. Pourtant c’est bien en regardant la catégorie reine du sport automobile que les docteurs Martin Elliott et Allan Goldman ont trouvé l’inspiration pour améliorer leurs procédures.
Depuis le début des années 90, le taux de mortalité élevé des hôpitaux anglais revient régulièrement dans le débat public, accablant le personnel hospitalier. En 1994, le Dr Leval publie une étude sur les conséquences d’un manque de coordination entre les membres d’une équipe chirurgicale. Elle démontre que toutes les petites erreurs invisibles s’accumulent et peuvent avoir de graves conséquences sur le patient.
Une des étapes les plus critiques rencontrée par les équipes du Great Ormond Street Hospital, spécialisé dans la chirurgie cardiaque pédiatrique, est le transfert du patient entre le bloc opératoire et le service de soins intensifs. Les différents éléments permettant la ventilation du patient, son monitoring, etc… doivent être débranchés pour le déplacer sur un brancard, où il est ventilé à la main pendant qu’on le déplace dans les couloirs et ascenseurs de l’hôpital jusqu’à son arrivée dans le bon service.
En observant les pitstop des voitures ce jour-là, les deux docteurs se rendent compte que ce n’est pas si différent de leur travail au quotidien. Ils décident alors de contacter McLaren, puis Ferrari, pour voir si leur expertise peut aider à améliorer la rapidité et la sécurité de ces transferts, en minimisant les erreurs.
Ils se déplacent jusqu’à Maranello, siège de Ferrari en Italie, à la rencontre de Nigel Stepney. Celui qui est alors directeur technique de l’écurie n’est pas impressionné par les vidéos de procédures. Il est même surpris de voir le désordre qui peut régner dans une salle d’opération : personne n’a de rôle bien attribué, le personnel se gêne et des conversations permanentes rendent le tout chaotique. Tout l’inverse de la Formule 1.
“Nous faisions ce travail depuis des années et nous pensions être bons” souligne le Dr nick Pigott, autre médecin travaillant sur le projet. “Quel choc de réaliser en regardant les vidéos de procédures le manque de structure que nous avions.”
De la théorie à la pratique
Les équipes travaillent alors ensemble pour créer une procédure, en respectant les règles du pitstop :
- Anticiper les problèmes et réaliser des procédures standardisées pour y répondre.
- Entraîner les équipes à ces procédures jusqu’à ce qu’elles soient maîtrisées parfaitement.
- Tout le monde connaît son travail mais une personne est toujours en charge.
L’expertise de la Formule 1 ne peut pour autant répondre à tout. La première réaction des experts est de suggérer des solutions technologiques, beaucoup trop chères pour le monde médical. De plus, la chirurgie est une situation beaucoup plus complexe, avec de nombreuses situations imprévisibles. Les équipes doivent donc apprendre à anticiper et être prêts à répondre à tout ce qui arrive, même s’ils n’ont pas pu s’entraîner.
Le résultat de ces recherches donne naissance à un guide pratique de douze pages expliquant les procédures à suivre. Une version simplifiée en une page résume les quatre étapes principales de la procédure. Rangée à côté de chaque lit, elle permet un rapide rappel au personnel médical.
Pour compléter ces recherches, un chorégraphe est engagé pour apprendre au personnel à prendre conscience de l’espace qui les entoure et ainsi ne pas déranger les autres dans leur travail. Désormais, les transferts se font dans le silence, dans une chorégraphie parfaitement réalisée.
Les résultats tombent vite : en comparant 23 opérations avant la méthode à 27 réalisées après, on remarque une baisse de 42% des erreurs techniques durant le transfert des patients. Malgré le scepticisme de certains médecins, la méthode est alors implémentée dans tous les services de l'hôpital.