Il est surtout connu pour être le frère de” : voilà comment sont souvent décrits ces pilotes. Pourtant, ils n’ont pas à rougir de leurs propres carrières. Mais devant des frères géniaux, difficile de briller...  


27 podiums. Plus que les champions du monde Keke Rosberg et Mario Andretti réunis. Et pourtant, il est connu comme “Monsieur frère”. Difficile de se faire un prénom quand votre frère bat, saison après saison, tous les records de la Formule 1. Ralf, le “Schumi 2”, fait pourtant tout pour passer outre cette réputation.

Rapide en piste, parfois un peu trop fougueux, il suit le même parcours que son frère. Dès ses deux ans, il conduit un kart sur la piste locale. Viennent ensuite les diverses catégories de monoplace et enfin, le Graal : la Formule 1. Michael est déjà double champion du monde, l’arrivée de Ralf est alors vue comme peu légitime. Pourtant, course après course, audace après audace, Ralf marque des points et monte sur ses premiers podiums. Mais comment rivaliser avec un tel palmarès ?

Les Schumacher restent très discrets sur leur vie privée et ne parle que très rarement de leur relation. Après le sixième titre de son aîné, Ralf déclare : “je ne vis pas cela comme une ombre. Les choses ont changé, on me pose moins de questions sur lui. Michael est champion du monde, mais cela ne m’influence pas”.

Si le silence des Schumacher a pu être pris pour la rivalité, d’autres n’ont pas hésité à s’impliquer dans la carrière de leur frère.

Entraide fraternelle

Quand Jackie Stewart, triple champion de Formule 1, débarque pour la première fois sur les circuits de la catégorie reine, il est connu comme “le frère de Jimmy”. Les deux frères ont huit ans d’écart, c’est donc tout naturellement que Jimmy se lance le premier dans la course. Vite repéré pour son talent, il participe à la fois à des courses de F2, de F1 et d’endurance. C’est vers cette dernière catégorie qu’il se dirige.

Trois ans après le début de sa carrière, il intègre l’équipe professionnelle d’endurance d’Aston Martin. Les 24 heures du Mans arrivent, de grands espoirs sont placés en lui. Au cours de la course, il se retrouve éjecté de sa voiture et se brise le bras. Après des semaines de rééducation, il parvient à revenir à la compétition. Mais l’année suivante, sur le difficile circuit du Nürburgring, sa voiture se retourne et il se retrouve coincé sous des flots d’essence. Il met alors fin à sa carrière. Des années plus tard, il déclare : “maintenant, je regrette d’avoir arrêté, je n’avais que 23 ans. Mais si j’avais continué, je ne serais peut-être plus là aujourd’hui”.

Quand Jackie atteint la majorité, il veut suivre les traces de ce frère tant admiré et faire de la course automobile. Jimmy lui ouvre alors les portes de son réseau et, par la même occasion, de la gloire. S’il n’y a pas de vraie rivalité entre les deux frères, Jimmy connaît l’amertume et sa vie après la course n’est qu’une suite de malheurs et de descente aux enfers. Dans une interview après la mort de son frère, Jackie raconte:  “Sa vie était pleine de déceptions. Ma vie était tout ce qu’il n’était pas. J’ai eu tout ce qu’il avait rêvé d’avoir”.

Les frères Stewart, Jimmy (g) et Jackie (d)

Dans la même génération se trouvent les frères brésiliens Fittipaldi. Nés avec trois ans d’écart, ils poursuivent le même chemin, du kart à la Formule 1. Si l’aîné Wilson est le premier à tenter l’aventure européenne, c’est bien Emerson qui tire son épingle du jeu. Repéré par Colin Chapman, il parvient à faire sa place chez Lotus. Dès sa troisième saison en Formule 1, il devient champion du monde. Wilson le rejoint dans la catégorie reine, mais n’arrive pas à percer. Il décide alors de monter sa propre écurie, totalement brésilienne. En 1974, Emerson remporte son deuxième titre de champion avec McLaren. En pleine gloire, il décide de changer d’écurie pour rejoindre celle de son frère. Mais l’équipe n’est pas au niveau et il ne connaît plus jamais la victoire. Quelques années plus tard, il revient sur ce changement : “C’est une décision que je regrette à présent. J’aurai peut-être eu la chance de gagner d’autres championnats.” James Hunt, qui le remplace chez McLaren, est sacré en 1976.

La chance, peut-être l’élément le plus déterminant dans ces histoires fraternelles.

Une question de chance

Je ne sais pas comment expliquer la chance. Nous avions les mêmes capacités. Il le voulait autant que moi. Comment vous expliquez que j’ai eu autant de chance et que lui non ? Je ne comprendrais jamais pourquoi”. Voilà les paroles de Mario Andretti à propos de son frère Aldo.

Nés en 1940, les frères jumeaux passent une bonne partie de leur enfance dans des camps pour réfugiés italiens. Adolescents, ils émigrent vers les USA où ils s’offrent une voiture pour courir sur le circuit ovale local. Pour savoir qui conduit la voiture, ils tirent à pile ou face. Ils remportent plusieurs courses et deviennent les coqueluches des circuits. Mais un jour, Aldo pousse trop et a un grave accident. Il tombe dans le coma pendant plusieurs jours. Après des mois de rééducation, il revient à la course. Mais cela ne sera plus jamais pareil. Un deuxième terrible accident, lui brisant quatorze os et le défigurant, l’éloigne définitivement d’un volant de course. Mario quant à lui gravit les échelons en Nascar, devenant plusieurs fois champion. Il parvient à se hisser en Formule 1, dont il remporte le championnat du monde en 1978.

Pourquoi lui, pourquoi cette chance ? Aldo en souffrira : “Je suis extrêmement fier de Mario, mais parfois à la fierté se mélange de la jalousie. Pas de la jalousie exactement, mais une espèce de sentiment que ma vie n’est pas tout à fait accomplie...

Dans l’histoire, 169 fratries se sont affrontées sur les circuits et routes sinueuses du sport automobile.