Difficile de succéder à un mythe. Décriée à sa sortie, la Jaguar XJS regagne petit à petit ses lettres de noblesse.


Des deux côtés de l’Atlantique, jamais une voiture n’a été aussi laide”, voilà comment la nouvelle née de Jaguar est accueillie lors de sa présentation au salon de l’automobile de Francfort en 1975. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la foule est restée perplexe quand le voile s’est levé sur celle qui devait être l’héritière de la mythique Type E. Ses lignes avant-gardistes rompent avec la tradition arrondie des années 60. Son V12, d’habitude réservé aux sportives italiennes, lui permet de leur tenir tête avec une vitesse de pointe de 240 km/h.

Mais l’heure n’est plus aux grosses motorisations, trop gourmandes en carburant. Les Trente Glorieuses sont passées, la crise au Moyen-Orient et le premier choc pétrolier qui en a découlé ont miné l’économie mondiale. Les temps sont durs pour l’automobile.

Une stratégie incomprise

L’homme derrière ce coup de théâtre, c’est Malcom Sayer, père de la Type E. Malheureusement, il décède en plein processus de conception. La XJS aurait-elle été différente s’il avait été présent jusqu’au bout ? Rien n’est moins sûr. Malgré son aura, la Type E commence à vieillir, les quelques remaniements lui ayant été apportés ces dernières années ne suffisent plus. La compagnie, absorbée dans un consortium partiellement nationalisé, a besoin de sang neuf pour ne pas disparaître. Comment se réinventer dans de telles conditions ?

La direction prend le parti de vendre aux Etats-Unis, où le marché est plus que favorable aux voitures de grand-tourisme luxueuses. La XJS s’adapte alors à cette clientèle, se chargeant d’éléments “tape à l’oeil”, s’éloignant de l’image de voiture de “gentleman”. Parmi ces éléments, le traditionnel tableau de bord en ronce de noyer est abandonné pour un matériau plus à la mode : le plastique. Un crime pour les amoureux de Jaguar, qui ne comprennent pas les décisions du groupe. Ils se détournent de la marque, d’autant plus que le prix de vente de ce modèle est presque deux fois supérieur à celui de la Type E. Il faudra bien des efforts à la marque pour convaincre et ne pas sombrer.

Un rejet non justifié

Tout le monde ne rejette pas cette voiture. Ceux qui montent à bord se rendent compte qu’elle est particulièrement confortable. Sa bonne tenue de route permet de passer outre certains de ses défauts, comme son manque de fiabilité, une caractéristique bien connue des voitures britanniques de cette époque. Sa forte accélération, 97 km/h en moins de 8 secondes, séduit certaines stars comme Frank Sinatra ou le guitariste d’Iron Maiden, Adrian Smith.

Au cours des années, des évolutions sont apportées : un modèle décapotable, de nouveaux moteurs… Un six-cylindre beaucoup moins gourmand est notamment proposé. Après le rachat par Ford en 1989, la méthode zéro défaut est implémentée et de nombreuses améliorations sont apportées, augmentant la fiabilité des modèles. Cette voiture si incomprise finira sa carrière en 1996, après 21 ans de service et 115 413 modèles vendus, soit deux fois plus que la Type E. Une belle fin pour une voiture que beaucoup considèrent comme une héritière illégitime.

Crédit photo : NetCarShow.com